UN AMERICAIN À BORDEAUX !

Michel Rolland et Robert S. Dow au château Pabus by Mj
            Quand un américain se prend à rêver en grand, il ne rêve pas de châteaux en Espagne mais de vignobles sous le ciel bordelais, et il se donne souvent les moyens de réaliser ses voeux les plus chers.
 Robert S. Dow est l'archétype du business-man qui a réussi tous les examens de passage, après 40 années de sa vie dans les hautes sphères de la finance, analyste quantitatif, puis responsable des investissements à la Lord Abbet & Co, il finira aux commandes de la firme, directeur associé, et la hissera dans le Top 30 des compagnies d'investissement des USA en 1996,   mais aussi   sportif accompli puisque sélectionné dans l'équipe nationale d'escrime lors des Jeux Olympiques d'été à Munich en 1972. "A 40 ans, je cherchais de nouveaux défis. Ma fille, connaissant mon amour des crus bordelais, m'a convaincu d'investir dans une propriété. Après quelques visites nous sommes tombés sous le charme de Château Pabus. Soucieux de continuité, j'ai confié la gestion du domaine à son ancien propriétaire, le négociant belge Kris Couvent. J'ai décidé de faire appel aux meilleurs experts, tels Michel Rolland et son collaborateur Bruno Lacoste. Nous avons un objectif commun, prôner une viticulture de précision, une oenologie raisonnée afin de sublimer le terroir. Avec une telle équipe, nous regardons demain avec sérénité."
Il suffit de passer le seuil de la propriété pour comprendre le coup de coeur de l' américain et de sa femme. En découvrant la chartreuse lumineuse dans le soleil couchant, on comprend mieux le personnage aux antipodes du clinquant. Ici, tout est calme, sobriété, charme.  En plein coteau de Sadirac, au royaume de l'Entre-Deux-Mers, le vignoble de merlots et de malbec, jouxte la propriété depuis le XIXe, édifiée sous l'influence de Victor Louis, architecte du Grand Théâtre de Bordeaux, sous la houlette des Compagnons du Devoir. L'équilibre et l'harmonie se disputent au raffinement et la rigueur de l'architecture, à la distribution intérieure proche des villas patriciennes. Ils définissent le style Pabus, et la philosophie que le new-yorkais, à la prunelle bleue foncée veut donner aux vins aussi.
En ce soir d'octobre, la chartreuse est en beauté. Robert S. Dow est sur le perron, prêt à recevoir ses invités. Son allure de gentleman farmer, sourire affable,  ne donnerait pas à penser que ce new-yorkais pur jus a passé le plus clair de sa vie dans un bureau entre business plan et fructification d'actifs, mécène de la Tuxedo Park School, qui lui vaudra le prestigieux titre honorifique qui soit aux USA: le Doctor Honoris Causa décerné par le New Jersey Institute of Technology.
De partout les gens affluent, très vite je reconnais les bordologues de la plume, entre Jane Anson (Decanter), Béatrice Brasseur  (En Magnum) mais aussi le négociant américain, spécialiste de crus atypiques, le lettré Jeffrey M. Davies, Pascal Levensohn, vigneron à Saint Hélèna en Californie, puis le "gourou du vin, j'ai nommé Michel Rolland accompagné de l'auteure du livre du même nom, Isabelle Bunisset, Hubert de Boüard et sa femme Emmanuelle, qui justement signera avec Géraldine Bertrand l'organisation époustouflante de la soirée à travers Bee Bordeaux.


Je découvre l'agencement quasi patricien de la demeure, sans ostentation aucune, en hommage à l'Art de Vivre à la française. Très vite, on nous dirige vers le coeur battant de l'endroit, l'incroyable salle de dégustation doublé d'une cave de Pabus.
Une dégustation à l'aveugle de 8 Premiers Crus de la Rive Gauche, millésime 82, une des plus grandes réussites du siècle passé, nous attend.
Déguster une nouvelle fois en présence de Michel Rolland reste une  expérience riche en... humilité. Encore une fois, dans les bouches des protagonistes, le désormais grand absent  qu'est Robert Parker, reviendra à plusieurs reprises, Jeffrey Davies décontractera l'atmosphère à plusieurs reprises, quand le silence se fera monacal. Je ne suis pas prête d'oublier le premier qui s'avèrera être le Latour, d'une vivacité réglissée remarquable, d'une longueur n'en finissant plus ; des 8, 3 sortiront nettement du lot remarquablement homogène, le cabernet sauvignon prouve encore une fois sa capacité à vieillir en se ciselant. Robert S. Dow, true bordeaux lover,  à l'origine de cette "amazing tasting" dixit Jane Anson, va nous offrir un instant mémorable. Les dégustateurs présents au nombre de 8 incluant Hubert de Boüard identifieront en moyenne 3 vins, je n'échapperai pas à la règle.Dehors le soir est tombé, un froid inattendu nous pousse à nous retrouver dans le chai-cuvier entièrement repensé du château Pabus. A l'image de l'homme qui privilégie l'homme, le propriétaire veut donner une dimension humaine proportionnelle à ses voeux : donner le meilleur avec un outil de travail adapté, le premier vin "Pabus" grandira  en fûts de bois de 500 litres, destinés aux cuvaisons intégrales, le "Petit Pabus"sera vinifié en cuves inox, tronconiques. Un chai à fermentation malolactique puis un chai de vieillissement. Toutes les  constructions semblent sorties d'un livre de Lewis Caroll.



       
          La dégustation des vins de Pabus sera visiblement conforme à la quête d'excellence de l'américain. Grande finesse en bouche, complexité (l'apport de malbec pimente agréablement les vins).  Les 35 années de moyenne d'âge du vignoble remplit formidablement son rôle. Planté au XIXe siècle, le vignoble au terroir limoneux/argileux prouve qu'en le choyant, on peut faire grand, voire très  grand dans l'Entre-Deux-Mers, mais pose aussi la place de l'Homme au sein d'un terroir.













             Ce soir là, Robert S Dow a fait les choses en grand. Les invités d'Honneur, l'adjoint au maire de Bordeaux, Stéphane Delaux rendra hommage à l'investissement du new-yorkais tout en retraçant la place du vignoble bordelais et Daniel Hall, consul des Etats-Unis rappellera le rôle majeur des échanges en entre les deux nations. Les mines sont réjouies, la magie opère. Robert Dow se fendra d'un discours en français, d'une classe internationale. Les gens qui font de Bordeaux ce qu'elle est, l'applaudiront en masse. Plus tard, un spectacle sons et lumières dédié à sa femme, qui fête justement son anniversaire, trouvera toute sa poésie en métamorphosant la façade de la chartreuse, dont la propre histoire sera réécrite par Eric Le Collen, offrant des tableaux fondus enchainés, réincarnant le cygne solitaire qui évolue toujours sur la pièce d'eau en façade.
Chacun ce soir là est reparti, sous le charme. Les choix esthétiques encore une fois s'allient à l'hédonisme le plus pur. C'est ainsi que naissent les mythes.

Marilyn
Photos (Ipad) Mj


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